[Avril - 1 ] [Cours 1ère année] Les Yukis

Ouf. Keylan était arrivé juste à temps pour se faufiler dans le flot d'élève qui s'engouffrait dans la salle de cours. Jamais il ne s'habituerait à ces lieux, jamais. Trop grands, trop vastes, trop complexes. Heureusement que la jeune femme de l'autre fois, Mme Fioreis, l'avait un peu aidé ... Il s'était de nouveau perdu, mais il était quand même à l'heure. Heureusement. S'il n'avait eut ne serait-ce qu'une seule seconde de retard, il ne serait pas venu. Pas question de se ridiculiser devant tant de monde. Autant se faire tirer les oreilles une fois de plus. Il n'était plus à ça près ...
Mais il était bien à l'heure. Et en cours. Soudain, il réalisa, les yeux fixés sur son emploi du temps, qu'il allait avoir cours de soin aux créatures magiques. Cela lui disait fortement quelque chose, mais il n'arrivait vraiment pas à se souvenir d'où il avait entendu ça. Pas de la Directrice, non. Soudain, alors qu'il s'engouffrait dans la salle, il osa timidement lever les yeux vers le professeur en espérant ne pas croiser son regard. Hors de question d'attirer son attention. Il devait se fondre dans la masse. Pourtant, à peine aperçu-t-il la silhouette élégante de la professeur qu'il la reconnue. Mme Fioreis. Alors c'était elle, la professeur de soins aux créatures magiques ? C'était pour ça que cette matière lui disait quelque chose ... Mais, baissant les yeux comme à l'accoutumé, il suivit le groupe d'élèves dans un coin, se cachant derrière un grand dadet, les yeux rivés sur ses chaussures. Toutefois, les murmures d'admiration et les chuchotements excités l'obligèrent à relever le menton, jusqu'à ce que ses yeux se fixent sur la cage qui se trouvait au beau milieu de la pièce. Dans cette cage étaient allongés une petite dizaine d'espèce de chats étranges, pas très grands, avec de grandes oreilles et la queue frisée. Ils semblaient dormir. Keylan n'avait jamais vu de tels chats. Sans doute n'en était-ce pas. Toutefois, de leur silhouette fine, presque longiligne, il savait déduire une grande agilité, à la manière peut-être d'hermines, ou bien de furets ...

En tout cas, intrigué, le jeune homme s'accroupit pour sortir un carnet de note, conscient qu'il avait raté de nombreux cours qu'il se devait de rattraper seul. Malgré le nombre d'heures de son temps libre que cela allait lui prendre. C'était un carnet qu'il utilisait quand il était moldu, et où sur les premières pages résidaient encore les traces de quelques cours d'algèbre qu'il n'appréciait pas, même s'il avait été doué pour ça. Il tourna quelques pages le plus silencieusement possible, et, sur une feuille blanche, commença à écrire le nom du cours, la date, et, en titre, Yuki avec un point d'interrogation. Même s'il était jeune, il avait appris depuis longtemps déjà à prendre des notes. Il avait toujours eu de ces professeurs un peu lourdeaux, très bon dans leur matière mais qui ne faisaient qu'étaler au monde leur science, sans trop chercher à en déterminer les points importants.
Mais déjà le cours commençait. La professeur interrogea un élève, qui commença à son tour à étaler sa science. Il parlait vite, et Keylan lui jeta un petit regard interrogateur. Il n'avait pas l'habitude de ce genre d'élève, mais qu'est-ce qu'il parlait ! Et vite, qui plus est ! Il réussi cependant à en saisir les grandes lignes, hochant la tête pour lui-même lorsqu'il saisissait mieux ce qu'il avait observé. Lorsqu'il eut enfin fini de parler, et que la professeur prit le relais pour affirmer les dires de l'élèves, un certain Raphaël, il en profita pour faire un rapide croquis d'un des animaux qui dormait. Habitude qu'il avait prit alors qu'il s'ennuyait encore au milieu des moldus. Il était vrai qu'ici, il y avait bien plus d'action. Bon, ce n'était que trois ou quatre traits sur une feuille, avec des flèches un peu partout pour noter les caractéristiques, ainsi qu'une mesure pour définir la taille de la créature. Pas très classieux, le schéma, en tout cas.

Des ronronnements le tirèrent de son dessin, alors que quelques chats-bizarres, ce qu'il n'arrivait pas à appeler des Yukis, se redressaient en baillant. Ils avaient vraiment l'attitude de chats, s'étirant un peu à leur manière, élégamment. Mais leur regard avait quelque chose de différent. De plus profond. L'un d'entre eux fixa un instant Keylan droit dans les yeux, le faisant déglutir. Il pouvait presque sentir qu'il lisait dans ses pensées, mangeait son âme, ou quelque chose comme ça. Alors, il détourna le regard, un peu ébranlé.
Toutefois, la professeur le héla, le faisant frémir alors qu'il levait les yeux vers elle, déjà écarlate. Et, bien évidemment, elle n'hésita pas à attirer l'attention de la classe toute entière sur lui. Tous les visages se tournèrent vers lui, certains souriants, d'autres, au contraire, le fixant avec mépris. Il aurait voulu s'écraser sur le sol, disparaître pour toujours, fuir ces regards presque pervers. Bon sang, ils ne voulaient pas l'oublier ? Rouge comme une pivoine, il releva la tête vers la femme, la suppliant presque du regard de l'oublier. Mais non, elle ne l'oubliait pas, bien au contraire. Toujours ce même regard chaleureux. Elle lui posa donc une question, alors qu'il baissait à nouveau les yeux, mort de honte.

- Non, madame ... Jamais ...

Prenant son courage à deux mains, mort de trouille, il fit un pas, puis deux pour s'approcher de la cage, tremblant comme une feuille. Il tentait de se donner contenance en oubliant que tous ces gens le fixaient, attendant impatiemment qu'il fasse une erreur. En vain. Il se tenait, les mains jointes pour cacher leurs tremblement, face à la petite ouverture de la cage, effrayé. Il n'avait jamais vraiment été téméraire de nature, mais puisque la professeur lui demandait de le faire, il n'avait pa tout à fait le choix. Il tendit la main face au premier Yuki, paume grande ouverte, observant attentivement sa réaction. Au lieu de poser sa main immédiatement sur lui, il laissa l'étrange animal renifler sa main, et coller sa mâchoire contre elle, en ronronnant étrangement. Keylan tressaillit. Il était doux. Incroyablement mignon, certes, mais doux comme il n'avait jamais connu de douceur. Son pelage soyeux commençait à luire faiblement, et son regard déjà affectueux le laissait pantois. Il osa timidement une caresse, puis une autre, et s'autorisa même un sourire. Cette petite bête était vraiment chou. Mais soudain, celle-ci, sans prévenir, bondit d'un geste souple sur son épaule, se lovant contre lui. Et Keylan n'eut pas le coeur de l'en déloger. Si c'était ainsi que cette petite bête voulait être, qui dérangeait-elle ?